1.2 - Sonorités particulières et composition par riff


Quelle que soit sa qualité ou son authenticité, c'est par sa sonorité singulière que le grand public peut identifier le Métal de prime abord. En effet, si l'on joue une chanson de Jacques Brel sur une guitare au son distordu, ou une fugue de Jean-Sébastien Bach (ce à quoi nombre de guitaristes électriques virtuoses se sont adonné), on dira communément que c'est une version « trash », « hardcore », voire «bourrin », termes très flous mais renvoyant à un style de musique particulier. En revanche, si l'on fait jouer de la musique métal par un claveciniste, une oreille non avertie n'y entendrait pas de référence directe. Tout au plus, l’aspect rythmique du morceau serait-il exacerbé.

Il existe dans cette esthétique sonore une réelle volonté de puissance et / ou de violence, et la limite entre ces deux états s'avère souvent difficile à trouver. Dans le cas de Meshuggah, le groupe cherche à produire une musique “agressive mais de qualité. Une forme agressive de la musique”1. L'agression sonore dans ce cas est tout d'abord une manière de s'exprimer et de se faire entendre, une sorte de happening sonore où le public ne peut échapper à la musique. Même si nous ne pouvons nier le potentiel de violence de cette musique, il s'agit plus souvent d'une sorte de communion avec le public dans la matière sonore omniprésente, où le lien entre musicien et spectateur semble rester très digne.

D'autre part, les amateurs de musiques amplifiées parlent volontiers de « gros son » lorsque celui-ci est fort mais bien géré et plaisant. La recherche d'un volume sonore à la limite du concevable en termes de dangers auditifs2, et celle d'un son de plus en plus percussif et présent peuvent être vues comme une continuité de la facture instrumentale purement acoustique. Les techniques décrites ici sont des lieux communs pour un « métalleux »3, et n'ont pas toutes été développées dans la musique métal, mais s'inscrivent dans une certaine logique de ce qui est communément appelé la production. Comme pour toutes les musiques amplifiées telles le Rap, la variété, le Rock ou la Techno, l'augmentation du volume sonore, et notamment des fréquences basses, fait systématiquement entrer un nouveau paramètre, celui de la résonance du corps humain, lié aussi au fait que le Métal reste une musique populaire dansée.

Que ce soit pour la voix, les guitares ou la batterie, nous retrouvons les techniques de traitement du signal dans toutes les musiques populaires amplifiées, à plus ou moins grande échelle. Néanmoins, la production du son est inhérente à cette musique (exigences de volume sonore, instruments nécessairement amplifiés, traitement du signal), d'où la nécessité de faire un tour d'horizon des outils employés. Très éloignées de la notion de musique vivante d'il n'y a pas même un siècle, ces outils et techniques sont à assimiler tels une sorte de postulat de départ pour comprendre la plupart des nouveaux courants musicaux.



1.21 - Percussions


La sonorité Métal est reconnaissable par son instrumentation et le traitement du son inhérent à cette musique. La batterie, tout d'abord, doit être la plus percussive possible. Ce son est obtenu soit en tendant suffisamment les peaux des toms et de la grosse caisse puis en étouffant les résonances grâce à du tissu ou des gommes spéciales, soit en détendant à l’extrême les peaux pour éviter cette résonance et obtenir une attaque puissante. C'est ici une manière de préparer la percussion devenue presque systématique dans cette musique. Le volume sonore global étant très élevé, les amplificateurs des guitares peuvent facilement couvrir le son de la batterie ; celle-ci doit donc être sonorisée aussi. Dans le même ordre d'idée que la préparation physique, et que ce soit pour un concert ou un enregistrement, la résonance naturelle provenant de chaque fût est parfois tronquée, c'est à dire qu’un noise gate4 est appliqué sur la piste de la table de mixage correspondant au microphone de l'élément de batterie.

Il en découle que l'auditeur n'entend qu'un élément sonore significatif de l'instrument de percussion, ce qui le définit en premier lieu, c'est-à-dire l'attaque. Ce procédé a aussi son explication pratique, car sur une scène au volume sonore important, toute résonance trop longue (comme cela peut être le cas dans un fût) peut faire « tourner » le son jusqu'à l'effet larsen37. Dans la plupart des cas, le son coupé de sa résonance est alors compressé37.

Le noise gate peut aussi être appliqué à la grosse caisse et à la caisse claire, quoique la caisse claire reste parfois un des éléments de la batterie utilisé en nuances. La compression bien gérée sur chaque élément donne l'impression de « gonfler » le son et de le rendre plus net, lui permet d'être plus fort et plus continu dans le cas d'attaques puissantes. Nous voyons donc qu'il n'y a plus de volonté de reproduire le son exact d'un instrument : l'intention est ici de vraiment modeler le son à sa manière, par tous les moyens possibles pour pouvoir le rendre plus fort, encore plus présent dans une logique d'agression sonore. Ainsi, pour éviter l'apparition d'effets larsen, de problèmes d'acoustique de salle, de variation dans l'attaque, le trigger est parfois utilisé. Des capteurs réagissent à l'attaque de la baguette sur la peau, et la transmettent à un appareil capable de traduire cette impulsion, qui va à son tour déclencher un son pré-enregistré (à l'aide d'un échantillonneur37, permettant d'enregistrer et modifier le son désiré, ou une banque de sons prédéfinis par le constructeur). Cela permet d'obtenir le meilleur rendu possible dans n'importe quelle condition d'enregistrement ou de sonorisation. En complément, et mixé moins fort, le vrai son du micro peut être ajouté pour garder les subtilités du son naturel et du jeu du batteur, mais celui-ci n'est pas prépondérant dans le rendu final du son de batterie. L'instrument reste le même sur scène pour des convenances visuelles, mais ce n'est pas par exemple le son de la grosse caisse que l'on entendra - ou presque pas - mais un son de grosse caisse « idéal ». Il peut en être de même pour les toms, la caisse claire. Il y a un indéniable effet d'illusion entre ce que l'on voit sur scène et ce qui en résulte, illusion de la production sonore inhérente à la préparation des instruments.

Dans le cas de Meshuggah, la sonorité de la batterie provient du fait qu'elle est enregistrée de manière acoustique, exception faite pour la caisse claire dans les albums Destroy Erase Improve et Chaosphere, qui elle est échantillonnée5 et très mécanique. Le son acoustique de la grosse caisse, puissante et rapide grâce à l'usage courant en Métal d'une pédale à chaque pied, est retravaillé pour n'en conserver que l'attaque naturelle, peu de résonance, et plus ou moins de fréquences graves selon les albums. Ce son de grosse caisse convient au jeu homorythmique avec la basse et les guitares qui prennent une grande partie du spectre grave, surtout dans Nothing. Ainsi le claquant de la grosse caisse vient compléter l'attaque et les graves des guitares - nous dirions même « le gras » dans ce cas .

Nous avons donc ici une façon particulière d'envisager la batterie traditionnelle, à l'opposée de l'esthétique jazz, où les nuances (mais pas forcément la subtilité) existent moins. L’esthétique sonore seule est en corrélation avec l’esthétique musicale : une forme d'agression, de violence sans compromis. L'équilibre entre les instruments est totalement artificiel, et géré par l'ingénieur du son. Chaque événement, qu'il soit constitué d'un son (une cymbale, un cri, une note d'un solo) ou de plusieurs comme c'est plus souvent le cas, doit ressortir pour être entendu.





1.22 - Guitare et basse. La distorsion


“Depuis les débuts du Métal, le power-chord a été l'accord de base dans les riffs6 de Métal”7. Si le power-chord, que nous appellerons « accord de puissance » consiste dans sa plus simple expression, en une quinte juste, ce n'est donc pas un accord au vrai sens du terme. Certains guitaristes le jouent avec juste les deux notes, d'autres avec trois (fondamentale, quinte, octave), et encore d'autres, par exemple chez Meshuggah, avec quatre notes (fondamentale et quinte en deux octaves). Il existe aussi un renversement de l'accord de puissance de base, qui est la quarte juste à vide. Souvent utilisé en alternance avec la disposition de base, permettant ainsi des successions plus fluides à la guitare, il possède sa propre couleur changeante selon le nombre de cordes jouées (donc de notes doublées).




Quinte

Quarte


Figure 2 : Positions simples des accords de puissance à trois cordes,

et leur visualisation en tablature (notation rock courante) et en notation européenne


Nous voyons donc que l'accord de puissance est axé sur sa fondamentale, et qu'il est en définitive une seule note dont le spectre serait modifié (par l'adjonction de la quinte, et la doublure à l'octave), ce que Espen T. Hangård8 explique très bien : “L' accord de puissance n'est pas utilisé dans un contexte harmonique, mais son usage est plutôt lié à la sonorité qu'il génère. Quand l'amplificateur sature [ce que l'on simule et retravaille grâce aux effets de distorsion], l'intervalle consonant [qu'est la quinte ou dans une mesure moindre la quarte] génère un son plein, clair.”

Le terme distorsion, qui renvoie à la distorsion d'un signal en physique, désigne dans ce contexte un signal saturé (implicitement « distordu jusqu'à la saturation ») de façon plus ou moins linéaire9. Nous pouvons nous représenter la saturation grâce à la membrane d'un haut-parleur, premier générateur sonore de distorsion : le signal sature lorsque celle-ci ne peut plus soit avancer, soit reculer. Il en résulte donc une forme d'onde qui se rapproche de plus en plus d'un signal carré au fur et à mesure qu'on fait saturer le haut-parleur par augmentation du volume, ou par simulation de cette saturation. Or un signal carré pur est la somme d'une fondamentale et de tous ses partiels (dont le volume est exponentiellement décroissant selon l'harmonique). Cela donne à la fondamentale un spectre harmonique artificiel. Ce spectre aigu est en d'autres termes un signal distordu de la fondamentale. Il faut ajouter que les harmoniques naturelles de la corde et les bruits parasites, dont l'attaque, prépondérants dans la sonorité d'un l'instrument, sont saturés avec le reste. Ces autres paramètres du son sont beaucoup moins présents qu'une fondamentale, mais ils en définissent aussi le timbre, et de par ce fait, la chaleur naturelle qui va rester même après la distorsion. Si celle-ci fait se rapprocher le son d'un signal carré, ce dernier restera toujours beaucoup plus pauvre qu'un son de guitare distordu, ce qui explique qu'un guitariste de Métal reste très regardant sur la sonorité naturelle de sa guitare autant que sur le traitement du son. Un schéma commenté en Appendices 1, « Sonorités de Guitares », permet de comprendre le travail du son chez Meshuggah.

En outre, trop de dissonances ou trop de saturation créent un son trouble. Le terme dissonance est ici utilisé dans un contexte un peu différent du langage classique. Plus l'intervalle est simple (rapport d’octave, quinte, quarte), plus la distorsion crée un son fondamental auquel des harmoniques sont ajoutées. Nous pouvons donc envisager le couple accord de puissance / distorsion comme un traitement sonore « à la base ». Les intervalles de triton, seconde, tierces, leurs renversements, et plus généralement, les rapports de fréquences complexes, créent un son brouillé perçu à l'audition comme un bloc compact d'où n'émerge aucune fondamentale précise. Les intervalles et accords plus fournis sont réservés à des parties en clean c'est-à-dire sans distorsion, ou alors sont utilisés comme bruitage, dans un but bien précis et occasionnel10.

La distorsion peut donc être perçue comme une volonté de clarté et de plénitude sonore. L'accord de puissance et la distorsion constituent ainsi deux techniques complémentaires. Elle sont utilisées très différemment selon les courants issus du Rock ou même du Métal : staccato en aller simples ou aller-retour de la main, nombre de cordes variable, distortion criarde ou sourde, très propre ou très sale etc. Selon Audun Strype11, “l'approche de la distorsion de Meshuggah, si elle n'est pas scientifique [il se fallait cependant d'en comprendre les tenants et les aboutissants], est très consciente. [...]Ils ne montrent peu de respect pour le son d'origine”.

Il découle des principes de cette interaction entre jeu de l'instrument et traitement du son. “Même si une chanson de Métal suit plus ou moins une tonalité définie [ou peut-être devrions nous dire un mode défini, ou seulement une réminiscence tonale], la quinte de l'accord de puissance est toujours une quinte juste, et n'est pas nécessairement altérée pour respecter l'échelle [ce qui implique alors un mode, une échelle, mais aussi, dès le départ, des notes situées entre la note étrangère et la résonance naturelle].” Espen T. Hangård12 prend l'exemple d'un Fa dièse en Sol majeur, dont la quinte restera Do dièse au-delà des convenances tonales que les musiciens de Métal ont pourtant bien dans l'oreille de par leur culture occidentale. L'accord de puissance est ainsi utilisé comme une entité sonore pour ses qualités de puissance et de timbre. La basse y complète le spectre des guitares et assure à l'accord de puissance la prédominance d'une note fondamentale. Pour ce faire, la plupart du temps, elle double une corde du riff à l'octave inférieure (puisque la basse électrique, tout comme la contrebasse, sonne naturellement une octave en dessous de la guitare). D'après les travaux de Espen T. Hangård, le son de basse de Meshuggah est obtenu en mélangeant le son direct de la basse et celui distordu, ce qui lui confère un timbre plus grinçant et un spectre plus large.



1.23 - Voix


Le fait que la musique métal et ses différents courants se reconnaissent à leur sonorité tient aussi au chant. En effet la musique rock, dans sa grande majorité, est restée fidèle à la chanson, peut-être en raison de son caractère populaire. La voix y subsiste en tant qu'élément humain, concret13, lien privilégié pour l'auditeur qui n'est pas obligatoirement connaisseur. C'est alors le timbre de la voix qui prime sur le texte14, ce qui peut expliquer d'une part le désintérêt pour celui-ci, voire l'absence de paroles définies chez certains groupes, et parfois leur inintelligibilité d'autre part.

Presque tous les sous-genres de la musique métal utilisent la voix criée. Ce chant guttural consiste succinctement en une saturation artificielle de la voix. Si la plupart de ces voix ont un volume sonore puissant, ce n'est pas le cas pour toutes : le but est d'obtenir, de maîtriser, et de travailler le timbre d'un cri sans les inconvénients (détérioration des cordes vocales notamment). Cette voix artificiellement criée est alors obtenue par une contraction du larynx conjuguée à la propulsion d'un débit d'air important15.

Si nous considérons l'esthétique et la puissance sonore de la musique métal, le cri semble presque être un cap obligé dans l'évolution rapide de l'amplification qu'a connu le vingtième siècle. La voix criée est devenue un standard de chant, preuve qu'elle a suscité l'intérêt et a été maîtrisée. Utilisée comme élément musical ponctuel dans la plupart des musiques, dont la musique rock, la voix criée a été systématisée par la musique métal, et de beaucoup de manières différentes. Si pour un néophyte tous ces chants se ressemblent16, il existe des voix plus ou moins chantées (chez les groupe Fear Factory ou Dream Theater), plus ou moins parlées (Type O Negative), criées (Meshuggah), très graves (Cannibal Corpse) ou aiguës (Craddle of Filth), qui définissent parfois presque à elles seules un style. Il faut ajouter à cette liste tous les codes et tics de dictions ainsi que les différents traitements sonores couramment utilisés.

Les enjeux esthétiques d'une telle technique de chant se rapprochent de la distortion, dénaturant la voix en lui ajoutant un grand nombre d'irrégularités et d'harmoniques artificielles. Il n'est d'ailleurs pas rare d'entendre parler de « son clair » pour les parties de voix chantées de manière plus classique. Symboliquement, le cri est aussi la technique vocale la plus à même d'exprimer la vision de la vie, le nihilisme inhérent à la musique (ou du moins ses bases). Il est donc naturel qu'il se soit développé avec celle-ci. La voix est peut-être la preuve la plus évidente de la catharsis de la musique métal : représenter les passions pour mieux s'en séparer.

Enfin, s'il est vrai que le texte chanté n'est généralement pas intelligible en raison du timbre particulier de la voix, nous pouvons comparer cet inconvénient de la voix gutturale à celui d'une voix d'opéra vibrée dont ne sortiront plus que des voyelles noyées : dans les deux cas, ce n'est qu'après plusieurs écoutes, ou étude du texte que l'auditeur peut en saisir toute la signification.



1.24 - Le riff


Un autre point important permettant d'intégrer la musique métal parmi les autres musique actuelles amplifiées issues du rock est la notion de riff. Celle-ci est définie par Allan Moore comme une “idée simple destinée à être répétée”17. D’abord utilisé en Jazz comme technique d’orchestration ou comme matériau de composition (nous pensons notamment à « Thriving from a Riff » de Charlie Parker où le titre, « Florissant sur un riff », nous explique bien la démarche de composition), le riff s’est rapidement appliqué au Rhythm and Blues puis au Rock. Pour s’inscrire dans une continuité, nous notons aussi une parenté partielle entre la récente notion du sample18 et celle, plus historique, du riff.

L’idée de riff a donc « glissé » des instruments à vent à la guitare électrique, voire pourquoi pas aux machines, sans perdre son rôle d’élément moteur, soit de l’arrangement, soit du morceau lui-même. Il peut même devenir l’idée globale que l’auditeur retient d’un morceau : le riff d'introduction du « Smoke on the water » du groupe Deep Purple19, même joué une seule fois, fait dorénavant partie des clichés du Hard Rock et de la mémoire collective comme peut l’être le début de la cinquième symphonie de Ludwig Van Beethoven.

Quoi qu’il en soit, nous pouvons dire qu’un riff, si complexe soit-il mélodiquement, est d’abord d’essence rythmique. En effet, que ce soit avec le Jazz, le Rock, ou les musiques Techno, le riff est toujours lié, dans un premier temps, à une tradition de musique dansée. De plus, un sample ou une mélodie, voire juste une note de guitare, n’ont pas obligatoirement de potentiel rythmique intéressant quand on ne les joue qu’une seule fois. C’est la répétition qui va apporter d’abord une certaine légitimité mais aussi un rythme, puisque qu’elle va créer un cycle - nous pouvons aussi noter que cette répétition va induire un certain mode au sens large (échelle de hauteurs, voire de sons).

Le riff est donc une notion éloignée de l’idée classique du thème ; en revanche, il s’approche de celle du motif, et de la basse obstinée. Les mondes des musiques rock et « répétitives » ont d’ailleurs étroitement travaillé ensemble (nous pensons de façon non exhaustive à Brian Eno, Philip Glass ou Steve Reich), et contribué à effacer les frontières entre musiques savantes et populaires dans la deuxième moitié du vingtième siècle, se redéfinissant dans une esthétique post-moderne. Ainsi, la brève explication de légitimité du riff par la répétition pourrait aussi valoir pour les expériences électroacoustiques de Steve Reich telles « It’s gonna rain », où un fragment de phrase enregistré est répété et retravaillé durant vingt minutes. Certes, même répétés indéfiniment de la même manière (par un instrument ou, encore plus fidèlement, par l’électronique), un sample, un motif, un riff, sont perçus différemment au cours du temps et selon l'auditeur, pouvant faire danser d’abord, bercer, puis énerver. Pourtant, le compositeur du morceau intervient toujours à un moment donné, ne serait-ce que dans le départ et la fin de la répétition, et la manière de le faire (rupture abrupte, fade out, c’est-à-dire decrescendo artificiel de studio). Que ce soit dans un morceau de Métal ou dans un des quatuor à cordes de Philip Glass, la matière première est ensuite travaillée, remodelée. Le libre arbitre du compositeur s’affirme dès le choix préalable du motif pour un potentiel quelconque, puis intervient le travail de composition, c’est-à-dire transformer et structurer les idées de départ.

Plus spécifiquement, la composition en Rock et en Métal reste assez collective et interactive puisqu'elle utilise peu la notation, au contraire des musiques européennes traditionnellement écrites, du Jazz actuel, dont les musiciens sont la plupart du temps lecteurs et improvisateurs, et de la musique électronique, qui est un système d’écriture « obligé » par l’enregistrement. Cependant, cette dernière technique d’écriture par l’utilisation du studio et de l’informatique comme outil de composition prend aussi une part importante dans le travail de nombreux groupes dont Meshuggah20. Ces nouvelles aides à la composition sont particulièrement adaptées à la notion de riff et à la gestion du temps et de la structure. C'est alors une méthode d'écriture simple d'accès, mais surtout très consciente pour qui veut la mettre au service d'une sensibilité personnelle.







( SUIVANT SOMMAIRE )







1Interview dans le webzine Earpollution par Sabrina Wade, http://www.earpollution.com/may99/profiles/meshuggah/meshuggah.htm

2Il peut survenir dans certains concerts de grande envergure, des « pics » à 120 décibels, ce qui correspond approximativement au seuil de la douleur auditive humaine.

3Voir glossaire.

4Voir glossaire.

5Voir glossaire.

6Notion détaillée en 1.24 - Le riff.

7Comme l'explique Espen T. Hangård dans « Meshuggah Thesis », http://www.notam.uio.no/~espenth/mesh/

8op. cit.

9Il représente approximativement le mouvement de la / des cordes capté par le micro électromagnétique de la guitare.

10Le travail même de la saturation, sa résonance harmonique, des larsen relève plus de courants musicaux plus bruitistes comme l'Emocore par exemple.

11Ingénieur du son ayant travaillé avec le groupe, et cité dans la « Meshuggah Thesis » de Espen T. Hangård, http://www.notam.uio.no/~espenth/mesh/

12op. cit.

13En opposition à l'abstraction que représente la musique.

14Ce qui ne remet pas en cause la qualité de certaines paroles.

15Nous avons notamment pu constater en enregistrant Jérôme, le chanteur du groupe de brutal-core Inside Conflict, que le volume de sa voix n'était pas très important, mais que la forme d'onde résultante se rapprochait de celle d'un bloc, caractéristique des sons compressés et saturés, alors que celle d'un cri normal varie beaucoup et comporte des "pics".

16Ils ressemblent en effet pour certains à « une truie qu'on égorge ».

17MOORE Allan, Rock: The Primary Text. Buckingham, éd. Open University Press, coll. « Popular Music in Britain », 1994, 227 p.

18Il s’agit ici du sample, ou échantillon, sous la forme de « boucle » (un rythme de batterie, de guitare, une phrase parlée, etc. et utilisés principalement dans les musiques techno et rap). Elle s'oppose à l’échantillon d’un son précis, destiné à être reproduit à différentes hauteurs - pour imiter un instrument par exemple. Le même procédé technologique est utilisé dans les deux cas, mais dans le second, l’éventuelle répétition sert seulement à prolonger le son par un moyen artificiel (la mise en boucle de la résonance d’un son quelconque) et est réussie si, au contraire du premier, on ne l’entend pas.

19Deep Purple, Album Machine Head, 1972, Warner Bros, ASIN B000002KHB

20Voir 2.1 - Méthodes de composition et structures.