Deuxième partie

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Le « style Meshuggah », analyse





2.1 - Méthodes de composition et structures



“Nous ne sommes pas un groupe qui part répéter, boit quelques bières, et fait le bœuf. Nous ne l’avons pas fait depuis des années.”1

La musique métal reste, de par son appartenance au monde du Rock, spontanée dans la composition : le musicien trouve un riff de guitare ou un break de batterie en jouant, en improvisant, seul ou en groupe, puis le fixe et le structure. Cependant, les musiciens de Meshuggah ont adopté une méthode de travail et une forme d’écriture qui s’est développée avec la démocratisation de l’informatique et de l'Internet, tout en restant au service d’une énergie rock. Tomas Haake, depuis les trois derniers albums, est presque le seul de la formation à écrire les textes, mais chacun propose ses riffs et ses rythmes de batterie, matérialisés par des séquenceurs et échantillonneurs MIDI ou enregistrés et compressés au format MP3. Ces normes informatiques permettent ainsi d’obtenir des documents compacts qui sont ensuite envoyés par l’Internet aux autres membres du groupe.

Si la qualité sonore d'un fichier MP3 est acceptable, elle peut être correcte ou exécrable selon l’équipement du destinataire pour un fichier MIDI. En effet, un tel document ne contient aucun son, mais seulement, de façon codée, les notes à jouer. Le groupe a réalisé avec son producteur, Daniel Bergstrand, des échantillons de batterie très réalistes, commercialisés sous le nom de « Drumkit from Hell »2, et utilisés pour composer des maquettes d'enregistrements ou des versions re-mixées de chansons comme c’est le cas dans l’album Rare Trax.

Étant donné les moyens techniques que s'est donné le groupe et ses méthodes de travail, nous pouvons affirmer que la composition chez Meshuggah se fait donc de façon très consciente. “Nous savons ce que nous faisons. Rien n’est laissé au hasard, parce que quand nous écrivons, nous le faisons rarement durant les répétitions. Nous restons à la maison, utilisons un ordinateur avec Cubase3 et ce genre de trucs. Quand j’ai par exemple une chanson entière, la moitié, ou juste des parties de cette chanson, alors [je l’envoie et] j'attends juste que les autres [me répondent] par Internet et qu’ils me disent « Ah, c’est vraiment mortel ! et cette partie, je ne sais pas... » ”4

La création reste donc collective et, probablement, spontanée, mais passe par une phase d’écriture informatique qui permet d’écouter directement le matériau sans forcément avoir recours à un système de notation traditionnel. Cette méthode nécessite de comprendre et d’intégrer le matériau avant même de le jouer. Meshuggah ne se réunit d’ailleurs que quand il en a besoin (pour les nouveaux morceaux ou avant une tournée), afin de concrétiser et mettre au point une écriture collective déjà finie.

S'il est impossible voire inutile de chercher un schéma type des chansons de Meshuggah, nous pouvons néanmoins y trouver des techniques d'écritures. Premièrement, la recherche de l'étonnement et de la variété que nous percevons dans les riffs se retrouve dans la structure globale. La forme d'une chanson très classique pourra toujours être modifiée imperceptiblement par plusieurs outils non moins classiques (annonces de guitare, ajout ou suppression de temps comme dans « Soul Burn »5, proche de la forme rondo) afin d'en effacer la régularité. D'une manière générale, Meshuggah a intégré des formats musicaux issus de sa culture, telle la forme song (équivalent jazz et rock de la forme BAR), et la composition s'effectue à partir de celle-ci ; l'élément culturel n'est alors pas un aboutissement mais la base du travail.

Il n'existe pas dans la discographie de Meshuggah de morceaux très courts (moins d'une minute comme en Punk ou en Grindcore) ou très longs (tels certains « album-concepts »). Seules les chansons de Chaosphere se rapprochent plus des trois ou quatre minutes du format radio, parce que plus brutes, plus rapides, composées en peu de temps. Nous assistons album après album à une simplification des structures : alors que Contradictions Collapse est proche du groupe Metallica, avec des enchaînement de riffs complexes, que Destroy,Erase,Improve reste très varié, Chaosphere et surtout Nothing tendent vers des formats de chanson plus classiques, avec une plus grande unité, voire une certaine austérité dans les riffs. D'un côté la micro-composition (composition des riffs des textes etc.) se singularise, se complexifie, s'unifie. De l'autre, la macro-composition tend vers des formes de plus en plus épurées.







( SUIVANTSOMMAIRE )





1Interview réalisée par Anthony Syme pour le webzine Metalupdate, http://www.metalupdate.com/interviewmesh.html

2Disponible à l'adresse Internet http://www.toontrack.com

3Cubase est un programme de marque Steinberg, servant de séquenceur et d'enregistreur audio.

4Interview dans le webzine Metalupdate, http://www.metalupdate.com/interviewmesh.html

5Destroy,Erase,Improve, plage 3 - voir analyse et relevés de Soul Burn.