2.5 - Expérimentations


Malgré l'extrême codification de la musique de Meshuggah, son écriture quasi-totale, une place est toujours laissée dans les albums pour des expérimentations bruitistes ou de longues parties instrumentales, plus libres que les structures rythmiques complexes des chansons. C'est d'ailleurs cette complémentarité entre ces « libertés sonores » et l'extrême rigueur de composition qui empêche ce genre d'expérimentations de « sonner » comme des collages artificiels, de simples délires de studio. Nous pouvons en outre noter que ce côté bruitiste est parcimonieusement utilisé en concert, ce que la plupart des enregistrements officiels ou pirates nous prouvent.

Le studio (ou les homes-studios que possèdent plusieurs des membres de Meshuggah) est véritablement un espace de composition dans la culture rock. Les expériences les plus courantes, soli et ambiances de guitare mis à part, sont les traitement de la voix, parfois parlée, la réverbération inversée etc. « Choirs of Devastation »1 en est une bonne illustration. Le groupe a vite dépassé l'étape de la reproduction de la réalité par l'enregistrement, et ce depuis leurs premiers enregistrements (l'esthétique métal ne présentant d'ailleurs que peu de respect pour le son originel, qui doit toujours être plus présent, plus « gros »). La chanson « Aztec Two Step »2 est l'exemple parfait de ce type de composition. Sa création fut, comme l'explique Jens Kidman, fort simple : “Nous l'avons fait en studio..."Si nous faisions une autre chanson" et nous l'avons fait aussi simple que possible.”3 En cela ces expériences de studio font partie de la musique rock, tout comme elle ont pu l'être chez des groupes tels Pink Floyd quelques décennies avant, et dont les membres de Meshuggah ne renient pas la prime influence.

La culture jazz-rock de Fredrick Thordendal est sûrement en partie à l'origine des expérimentations du groupe - ce dernier étant aussi co-producteur de la plupart des disques. Nous retrouvons des éléments semblables à ce que l'on peut trouver chez Meshuggah (improvisations frénétiques, traitement du son) dans son album solo, Sol Niger Within4.

Malgré le fait que les autres musiciens ne se considèrent pas comme improvisateurs, le montage en studio du dernier morceau de Rare Trax, « Ayahusca experience », nous donne à entendre un étonnant moment de musique improvisée avec une sonorité restant dans l'esthétique métal (cris, batterie probablement programmée en MIDI5, guitares jouées avec la distorsion etc.).

Enfin, démarche logique de Chaosphere, le dernier morceau, « Elastic », débute par une chanson, puis se continue par une sonorité électroacoustique d'effet de guitare évoluant durant six minute, pour finir par un bloc sonore constitué de quatre chansons du disque jouées en même temps. Concept non-conventionnel pour un groupe de Métal, ce morceau semble pourtant parfaitement s'intégrer à l'album, reflet des conditions dans lesquelles il a été créé6. Il s'agissait seulement, comme le dit Jens Kidman, de créer “plus de chaos”7. Dans la même mouvance, « Obsidian », dernier morceau de Nothing, est une expérience instrumentale axée sur la qualité du son distordu et de l'homorythmie au service de l'agression musicale.







( SUIVANTSOMMAIRE )





1Contradictions Collapse, plage 8.

2None, plage 4.

3Interview du webzine Corridor of Cells, http://www.total.net/~zaraza/ (plus disponible).

4Fredrick Thordendal Special Defects, Album Sol Niger Within, 1997, Relapse Records, ASIN B00000I40S

5Voir glossaire.

6Voir 1.36 - Chaosphere, le bien nommé.

7Interview dans Heavy Metal par Alan Gilkeson, http://www.heavymetal.about.com/library/weekly/aa021899.htm

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