Conclusion



Le groupe Meshuggah appartient à la culture métal : une esthétique violente née musicalement du Rock, mais aussi une volonté positive de puissance et un témoignage de l'évolution politique, économique ou sociale depuis la fin des années soixante. L'histoire du Métal et sa tradition sont vaguement connues du grand public; pourtant ses diverses évolutions (par phénomènes de mode ou réactions à ceux-ci) touchent un nombre croissant d'individus par la médiatisation notamment. Un historique et une explication des idées propres au Métal ne permettent pas obligatoirement d'apprécier son aspect musical sans une description de l'esthétique sonore et des techniques de composition héritées du rock. Les notions de distorsion, d'accord de puissance, de voix criée, de riff deviennent familières. C'est dans ce contexte, dans cette culture qu'est envisagée l'histoire de Meshuggah jusqu'à l'album Nothing sorti en Juillet 2002. Le décor ainsi posé nous permet alors de franchir la barrière esthétique et d'entrer dans l'analyse musicale.

La méthode de composition du groupe, continuité d'une tradition rock mais assistée par l'informatique, nous invite à séparer les éléments construits séparément: riff, soli et ambiances de guitare additionnels, chant. Le riff est d'abord présenté sous ses aspects rythmiques et mélodiques, adaptés aux divers instruments et, surtout, avec les particularités propres à Meshuggah qui le différencient du riff traditionnel. L'étude des soli et des ambiances va de pair avec celle du guitariste soliste Fredrik Thordendal qui apporte à la musique du groupe un aspect improvisé, une plus large palette d'esthétiques et de sonorités tout en restant dans le cadre d'une chanson de Métal. C'est enfin dans cette optique de la chanson à la musique complexe que les textes et le chant crié sont envisagés.

Le corpus d'étude, dernière partie du mémoire, permet ensuite de reconstituer les éléments de la musique de Meshuggah. Continuité et élargissement du travail de Espen T. Hangård, cette synthèse opérée sur cinq morceaux prend plus en compte la structuration et l'évolution de la musique aux cours des albums. Nous remarquons alors au fil des productions une tendance chez Meshuggah à simplifier les formes sans perdre son originalité. Cette unité observée reste au service d'une esthétique brutale.

Le groupe affine sa personnalité dans la tradition de la chanson métal, format « abordable » mais modelé par des techniques de composition par l'étonnement. La sonorité et la composition sont renouvelées à chaque album mais avec des techniques de jeu issues d'une même maturation. Les subtilités de structures, le déphasage contraint en tant que technique récurrente en sont la preuve. En effet, ce dernier porte en lui-même le décalage, la juxtaposition de structures. De cette technique, travaillée et acquise consciemment par des modes d'écriture nouveaux, naît l'illusion d'une linéarité et d'un changement permanent dans la répétition.

Le riff « à la Meshuggah » est parfois utilisé par la presse spécialisée pour décrire ce nouveau type de composition et de jeu complexe qui en découlent : déphasage complexe et / ou percussivité des guitares totalement liées à la batterie tel un « code Morse » au timbre brutal. Meshuggah a aussi su conserver et accentuer la « lourdeur » (ici terme positif) de la musique Metal. Le tempo martelé et la tradition rock traversée par les riffs atypiques sont issus de la volonté du groupe: faire du Rock à sa manière.

C'est peut-être cette modernité assumée dans une tradition affirmée qui vaut à Meshuggah son statut de musique compliquée voire « démente » pour certains (nous pensons aussi au terme « savante ») mais de plus en plus populaire, surtout aux États-Unis ou le groupe s'est fait connaître sur scène en première partie de grands groupes du genre.

Plusieurs noms de la tradition du Métal, notamment Metallica, prime influence de Meshuggah, ou Ozzy Osbourne, sont amateurs de la musique décrite dans cette étude. La tradition reconnaît ainsi sa continuité. Des formations plus jeunes, notamment Deftones ou Tool citent aussi le groupe dans leurs préférés. Enfin, des formations de Rock plus « populaire » comme Porcupine Tree ou des musiciens de Jazz tel le guitariste français Marc Ducret connaissent et écoutent Meshuggah. Le groupe est donc apprécié pour sa recherche, ancrée dans une tradition dans laquelle il s'inscrit. Meshuggah nous montre une culture comme un point de départ propice au développement personnel : la culture consciente d'elle-même.





( SUIVANT SOMMAIRE )